Les Horn du Simplon

Les fesses bien callées dans les banquettes nous quittons la gare de Neuchâtel au petit matin pour le Simplon. Nos discussions tournent sur le thème qui nous lâchera pas pour plusieurs mois encore. Je vous laisse deviner lequel? Covid-19… Les blagues et commentaires ne tarissent pas sur le sujet jusqu'à Spiez où nous devons descendre du train. Le tunnel de base du Lötschberg est en partie inondée… . Nous attendons des nouvelles avant de reprendre le rail par Kandersteg.

Le car postal gravit la route sinueuse du Simplon à travers les brumes qui se déchirent en lambeaux laissant place au soleil au file de l'altitude.

Après une dépose matériel à l'hospice nous chaussons les skis pour le Spitzhorn (2726 m). La neige porte bien, parfois glacée, parfois plus tendre. Nous avalons la montée alégrement jusqu'au petit col, Üsseri Nanzlicke (2601 m), puis nous attaquons les pentes gelées et balayées par le vent qui se fait de plus en plus fort à l'aproche du sommet. Arrivés à la croix, nous tenons à peine debout! Agenouillés au sol, cramponés à notre matériel, nous enlevons soigneusement nos peaux afin qu'elles ne s'envolent dans la pente. En quelques mètre de dénivellée l'ambiance change vite et devient arctique à la Mike Horn!

La descente nous fait vite oublier cette épisode du grand nord avec quelques beaux moments de glisse. Sous le Tochuhorn nous rechaussons nos peaux pour atteindre le Staldhorn (2462 m). Les conditions sont plus clémentes sur ce sommet. La descente sur l'hospice se skie bien dans une neige transformée par le vent et la douceur de ce mois de mars.

Au réfectoire les premières mesures de comfinement nous font sourire: pas plus de 50 personnes par salle à manger. Au cours de la soirée les nouvelles se précisent et nous apprenons que les cabanes de montagne devront fermer et les courses du CAS annulées. Nous réalisons pas encore que le lendemain sera notre dernière sortie de la saison…

Le soleil se lève sur le col du Simplon présageant une magnifique journée pour le sommet en vue: le Breithorn (3437 m). La neige s'est durcit durant la nuit nous obligeant à chausser les couteaux pour passer le passage délicat sous la crête du Huschhorn. Puis changement de décors pour un paysage minéral et chaotique qui nous mène au pied de l'interminable pente sous le col du Breithorn. Les cuisses chauffes et le souffle se fait court au file des mètres gagnés. Au col le vent a sculté des vagues de neige que nous surfons tant bien que mal. Reste la dernière petite montée pour atteindre le sommet d'où notre regard s'émerveille sur la mer de brouillard parsemée de ces centaines d'îles, ces escales d'un autre voyage.

La descente, à la recherche des meilleurs passages, des meilleures conditions où la neige se laisse surfer, se dévale rapidement jusqu'à l'hospice où nous sautons dans le premier car postal rejoindre nos vies d'avant. D'avant?

 

Xavier Denys