Gran Paradiso (4061 m)

Des Jeudistes au Paradis
Grand Paradis (4061 m), du 19 au 21 juin 2018

Org. Jacques Isely & Albertino Santos

Il fallait vouloir rechercher de douces béatitudes pour programmer ce sommet qui culmine à 4061 mètres, au cœur du Parc national éponyme. Il est d'ailleurs le seul 4000 d'Italie situé entièrement sur le territoire transalpin.
Huit élus : Jacques, Albertino, Daniel, Alexandre, Guy, Adrien, soit six alpinistes et/ou Jeudistes aguerris, un novice (votre serviteur), accompagnés de Marco, petit-fils d'Albertino, visent ce sommet réputé facile puisque le dénivelé de 1300 mètres s'effectue en ce début de saison essentiellement sur névés et glaciers. Et quelle bonne idée pour gagner ce paradis que de s'adjoindre les bonnes grâces  d'un pasteur !

Les participants, répartis dans 2 voitures, se sont retrouvés mardi 19 juin à 8 heures dans le parc du centre de l'Ile. Trajet agréable par le Tunnel du Grand-Saint-Bernard, Aoste (malgré quelques détours) avant la longue remontée du Valsavarenche jusqu'au parking de Pont situé à 1960 m d'altitude.
Court pique-nique, contrôle du matériel et départ, d'abord le long de la rivière, puis par une montée toute en lacets sur un remarquable sentier, large et parfois pavé. Il faut dire que l'on est ici au centre d'une ancienne réserve de chasse du roi Victor-Emmanuel II  de Savoie, qui donnera son nom au refuge (2732 m) à la forme si caractéristique que nous atteignons après un peu plus de 2 heures d'un effort soutenu.

Il y a du monde bien sûr, mais la bâtisse est vaste, les dortoirs petits mais confortables, et les soupers copieux, agrémentés d'un bon vin du pays.

Mercredi, le réveil sonne à 3h45, le déjeuner pris à 4h00. Les 2 cordées, conduites par Albertino et Adrien, quittent la cabane à 4h50, crampons aux pieds. La longue montée commence alors, alternant pentes raides et petits replats, aux premières lueurs du jour le plus long de l'année. Il fait frais et la neige porte bien.

Les 3000 mètres dépassés, nous nous encordons puisque la suite de l'ascension se passe sur un glacier bien recouvert de neige. La prudence est de mise ! Le rythme est régulier, adapté aux capacités des participants. Le temps est splendide, et le regard porte loin. Les sommets de la Tresenta et du Ciarforon qui dominaient le refuge du haut de leur 3600 mètres nous semblent maintenant bien petits, là, au-dessous de nous. Le soleil nous rejoint alors, donnant une teinte plus dorée aux vastes névés que nous remontons lentement. Grâce à Albertino et à la paire de lunettes militaires qui ne quitte jamais le fond de son sac, l'oublieux de service pourra poursuivre l'aventure en sécurité ! Merci encore…

A l'approche des 4000 mètres d'altitude, le souffle se fait plus court, le sac plus lourd. On cogite en silence sur le pourquoi de notre présence en ces hauts lieux. Mais il n'y a qu'à lever les yeux pour découvrir à quelques encablures la Madone coiffant le sommet du Grand Paradis. La réponse et la récompense sont là, dans la beauté du lieu.

Il faudra se montrer patient car le sommet est bien fréquenté. Les derniers mètres nécessitent quelques pas de varappe sur un rocher solide. La courte arête est aérienne, les croisements n'y sont pas aisés, et le vide sur le versant opposé assez impressionnant. A 10h35, après 5h45 d'ascension, la cordée d'Albertino est au sommet, suivie quelques minutes plus tard par celle d'Adrien.

Quel bonheur ! Une joie réelle mais contenue peut se découvrir sur les visages de chacun : le Paradis se mérite vraiment !!! Et du mérite, nous en avons tous. Il faut dire que la moyenne d'âge des sept participants (nous faisons abstraction des 22 ans de Marco) tutoie les 72 ans. Cela suscite une réelle admiration et un brin de fierté alors que nous grignotons quelques fruits secs, assis à plus de 4000 mètres, au-dessous du sommet.

La descente va s'avérer bien pénible et longue car la neige, souvent, cède sous notre poids, nécessitant des efforts répétés pour maintenir le cap et l'équilibre. Mais la satisfaction de la réussite et la perspective d'une bière mousseuse nous ramènent tous vers le refuge. A 14h30, après une épopée de neuf heures et quarante minutes, nous sommes tous réunis sur la terrasse.

La journée s'est poursuivie en discussions, sieste, apéro et repas. La nuit a été douce, les pensées nous ramenant là-haut, vers ce sommet et sa statue protectrice à laquelle nous avions fixé notre auto-assurage.

Jeudi, après un déjeuner pris sans stress et nos sacs bouclés, nous quittons le refuge Victor-Emmanuel II à 8h00, pour une ultime descente vers le fond de la vallée. Les jambes sont lourdes et les lacets s'enchaînent dans une pente raide, garnie d'anémones et de rhododendrons.

Un premier café pris dans le joli village d'Introd, visité en été par 2 souverains pontifs, puis un moment de pique-nique suivi d'un second café bien apprécié savouré à Liddes mettent un terme à ces trois jours d'excursion valdôtaine. Merci à Jacques, Albertino et Adrien qui ont su mener une petite équipe motivée sur ce sommet réputé, et félicitations à chacun pour avoir mis un bout de paradis dans un coin de sa mémoire et de son cœur.

Silvio Nadig