1ère ascension du SISNE HIMAL (sommet Nord) 6470 m

Sommet situé dans le massif du Kanjiroba Himal dans l'Ouest du Népal
Expé sous la direction de Ruedi MEIER

De gauche à droite : André Meillard, Daniel Chevallier, André Egger, Pierre Galland, Ruedi Meier, Jean-Claude Chautems, Gilbert Villard.

Expédition neuchâteloise au Sisne Himal 1980

Du fait que c'était la toute première expédition de notre section, les préparatifs étaient particulièrement longs et difficiles par le manque total d'expérience. En plus, le système "expédition clé en main" n'était pas développé comme aujourd'hui. Quand, après des essais infructueux nous étions enfin assurés d'obtenir l'autorisation gouvernementale, un voyage de deux émissaires à Kathmandu était donc nécessaire pour discuter sur place les innombrables problèmes.
Le Sisne Himal se situe dans l'ouest du Népal, à l'époque sans route directe et relié uniquement par une ligne aérienne très aléatoire. Nous étions obligés de faire en camion un immense détour par l'Inde, pour regagner le Népal à Népalganj, ville encore toute imprégnée par l'Inde: voir la photo en bas à gauche, puis par une route en construction jusqu'à Surkhet, 664 m. La suite se fait à pied, avec une colonne de 63 porteurs et 11 mules. En 11 jours nous atteignons Jumla, 2344 m, après avoir franchi le Mabu-Pass à 3350 m et moult problèmes avec les porteurs. Un détail: nous portions sur nous environ 9 kg de roupies, les porteurs n'acceptant pas les coupures plus grandes! Jumla, disposant d'une liaison radio avec Kathmandu et d'une ligne aérienne incertaine, sera donc notre seul lien avec le reste du monde. En 5 jours supplémentaires, la colonne réorganisée atteint le lieu du camp de base à 4050 m, la dernière étape en plusieurs navettes, la majeure partie des porteurs nous ayant quitté à cause de la neige. Une équipe partie en reconnaissance a trouvé, après quelques surprises, le col 4960 m donnant accès à notre montagne, mais a dû se rendre à l'évidence que celui-ci était impraticable pour les porteurs locaux. 41 jours se sont écoulés depuis notre départ de Suisse, et nous sommes déjà au milieu de notre temps imparti!

Notre camp de base était donc séparé par un haut col de la vallée donnant accès au Sisne Himal, et en plus, cette vallée était beaucoup plus profonde que supposée d'après la carte, ce qui signifiait qu'il fallait équiper 2 camps de plus, avec tous les problèmes de logistique que cela engendrait. Le lendemain déjà une première équipe partait vers la montagne, composée de 2 Suisses et 2 sherpas, suivie chaque jour par d'autres. 9 jours plus tard, le camp 3, situé au pied même de notre montagne à 5150 m et à 15 km du camp de base, était opérationnel. Pour rendre possibles les transports, le camp 2 était équipé comme base avancé et ravitaillé par le personnel de cuisine du camp de base, tandis que les 3 sherpas et nous même faisions essentiellement les portages plus haut. Les jours sur la montagne nous étaient comptés par la nourriture et le carburant (gaz), il fallait tout calculer au plus juste. Egalement avec le matériel de camping et de montagne nous étions à la limite. Puis le camp 4 était installé sur l'arête à 5660 m, dans un endroit extrêmement exigu et impressionnant.

A partir de là, la progression devenait difficile, le rocher délité, dangereux, il faut installer des cordes fixes. 3 cordées montent à tour de rôle, équipent un bout de l'arête et cèdent la place à la suivante. Ainsi, le camp 5 est installé sur l'arête de neige, à 6110 m. Il nous reste alors de la nourriture et du gaz pour une petite semaine. En attendant, une cordée s'est reposée afin d'être en forme pour tenter le sommet. Et enfin, le 3 mai, soit 22 jours après notre arrivée au camp de base, Daniel Chevallier dit "Yéti" et Pierre Galland ont atteint le sommet à 6470 m. "La joie monte en moi, c'est le débordement… heureux d'être arrivé, heureux d'avoir atteint ce but, heureux de réaliser l'aboutissement de tous les efforts de mes camarades" a noté le Yéti. La descente et le déséquipement de la montagne allaient très vite, tout était planifié, et les porteurs de la vallée déjà commandé par notre courrier. Le 9 mai, le camp de base est levé. 33 porteurs suffisent maintenant. En 3 jours nous sommes à Jumla, et après 5 jours d'attente, vente de matériel, d'interminables palabres et quelques bakchichs, nous arrivons à nous caser avec le matériel restant dans le petit avion (Twin Otter) venu nous chercher. Encore une émotion: après un premier essai raté, l'avion s'envole enfin, malgré les nuages menaçants (il navigue à vue), et nous dépose à Kathmandu.

Un succès à l'arraché certes, mais une aventure qui nous a permis d'apprendre beaucoup de choses sur l'alpinisme d'altitude et de contribuer un tout petit peu à la connaissance de l'Himalaya (au moyen d'une carte du massif).

Ruedi Meier